Après trois décennies de non-alignement militaire, la Finlande rejoint l’Otan ce mardi 4 avril 2023, une étape « historique » pour l’Alliance mais qui déclenche la colère de la Russie. Explications.
Pourquoi c’est une révolution en Finlande ?
C’est une révolution pour Helsinki, qui compte 1.300 kilomètres de frontière avec la Russie. Longtemps attachée à son non-alignement, elle jouira désormais de l’assistance militaire conventionnelle de ses alliés et de la dissuasion nucléaire. La Finlande compte 12.000 soldats professionnels mais forme plus de 20.000 conscrits par an et peut compter en temps de guerre sur 280.000 soldats aptes au combat, plus 600.000 autres réservistes, une force exceptionnelle en Europe.
Le pays nordique compte augmenter de 40 % son budget défense d’ici 2026. Il dispose d’une flotte de 55 avions de combat F-18, qu’il compte remplacer par des F-35 américains, de 200 chars et de plus de 700 pièces d’artillerie. En revanche, son adhésion représente « des centaines de kilomètres supplémentaires de frontière à défendre. C’est une charge non négligeable pour l’Otan », selon un observateur européen.
Désormais dans l’Otan, la Finlande obtient la protection de l’article 5, l’engagement de défense collective selon lequel une attaque contre un membre « sera considérée comme une attaque contre tous les membres ». « Ensemble, les Alliés de l’Otan représentent 50 % de la puissance militaire mondiale. Donc, tant que nous restons unis, que nous nous protégeons mutuellement et que nous le faisons de manière crédible, il n’y aura pas d’attaque militaire contre un allié de l’Otan », a expliqué Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’Otan, lors d’une cérémonie officielle ce mardi.
Pourquoi c’est une frontière hautement stratégique ?
Moscou considère, non sans fondement, que chaque nouveau membre de l’Otan déplace d’autant la frontière géostratégique qui l’oppose aux Etats-Unis. Avant l’invasion de l’Ukraine en février 2022, elle demandait que l’alliance s’abstienne de tout élargissement et de toute activité militaire en Ukraine, en Europe de l’Est, dans le Caucase du Sud et en Asie centrale.
En réponse, l’Otan exigeait « le retrait des troupes russes d’Ukraine, Géorgie et Moldavie », en référence respectivement à la Crimée annexée en 2014, l’Ossétie et l’Abkhazie pour la Géorgie, et la Transdniestrie. Avec l’intégration de la Finlande, « le flan ouest de la Russie devient plus vulnérable. Sa frontière avec l’alliance va s’étendre de l’océan Arctique à la mer Baltique », relève le site spécialisé War on the Rocks.
Quelle est la réaction de la Russie ?
Le Kremlin a promis mardi de prendre des « contre-mesures » après l’adhésion de la Finlande à l’Otan, qualifiant l’élargissement de l’alliance occidentale d’« atteinte à la sécurité » de la Russie. « C’est une nouvelle aggravation de la situation. L’élargissement de l’Otan est une atteinte à notre sécurité et aux intérêts nationaux » russes, a déclaré à la presse le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.
« Cela nous contraint à prendre des contre-mesures », a-t-il poursuivi. « Nous allons suivre attentivement ce qui se passe en Finlande, […] la façon dont cela nous menace. Des mesures seront prises en fonction de cela. Notre armée fera son compte-rendu en temps voulu », a ajouté Dmitri Peskov. La diplomatie russe a précisé que les « contre-mesures » de Moscou dépendraient notamment du déploiement ou non d’armements de l’Otan, et de leur type, sur le territoire finlandais.
Pourquoi c’est un signe décisif pour l’Otan ?
L’Otan souffrait de problèmes existentiels avant la guerre, justifiant la mise en place en 2020 d’un groupe d’experts internationaux chargés de réfléchir à son avenir. Fin 2019, le président français Emmanuel Macron avait évoqué sa « mort cérébrale ». Déclaration provoquée notamment par une opération militaire de la Turquie en octobre 2019 dans le nord-est de la Syrie, visant les milices kurdes alliées de la coalition internationale, sans en informer celle-ci.
Mais l’invasion de l’Ukraine « a fourni le carburant pour une unité retrouvée de l’alliance et son réengagement dans la sécurité coopérative, la gestion de crise et la défense collective », estimait en février l’ex-commandant des forces armées américaines en Europe Philip Breedlove. Ses déploiements en Europe sont passés de quatre groupements tactiques (Estonie, Lituanie, Lettonie, Pologne) à huit (avec Bulgarie, Roumanie, Hongrie et Slovaquie).
Suède, Ukraine… Quels sont les prochains pays dans l’Otan ?
De nouvelles adhésions pourraient être effectives dans les mois et les années qui viennent. Les objections de la Turquie et de la Hongrie ont retardé l’adhésion de la Finlande pendant des mois, et bloquent toujours celle de la Suède. « Je suis absolument confiant dans le fait que la Suède deviendra également membre. C’est, pour l’Otan, pour moi, une priorité de s’assurer que cela arrivera aussi rapidement que possible », a assuré Jens Stoltenberg. La Suède doit rejoindre l’Otan « sans tarder » car avec ces 2 pays notre Alliance sera plus forte pour assurer la sécurité de l’espace euro-atlantique, a déclaré la ministre française Catherine Colonna.
Les adhésions de ces deux pays nordiques sont la démonstration que « la porte de l’Otan reste ouverte », a martelé Jens Stoltenberg. « La position de l’Otan reste inchangée : l’Ukraine deviendra membre de l’Alliance », a-t-il poursuivi. Cependant, a-t-il ajouté aussitôt, « l’objectif principal pour l’heure est sa survie comme un pays souverain et indépendant, sinon parler d’adhésion n’a aucun sens ».