L’autoroute bas carbone : une promesse qui tient la route

Artères de la mobilité à l’échelle nationale, les autoroutes ont entamé leur transformation afin de répondre à l’urgence de la lutte contre la pollution et le changement climatique. L’heure est à la diminution drastique du carbone et le secteur peut s’enorgueillir de plusieurs initiatives parmi lesquelles figure l’autoroute bas carbone, une réalité bien tangible dans certains territoires.

En novembre 2019, la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur et Vinci Autoroutes ont signé une convention de partenariat d’un nouveau genre puisqu’elle a pour objectif d’« accélérer massivement le développement des mobilités décarbonées sur autoroute ». Concrètement, il s’agit de densifier les infrastructures de recharge des véhicules propres (électrique, hydrogène, biogaz), de développer les transports en commun sur autoroute, de créer des voies réservées, des parkings de covoiturage et même des gares multimodales, et de déployer des services numériques pour accompagner les usages bas carbone… Le programme de cette convention explore toutes les pistes pour accélérer la transition énergétique des mobilités.

L’autoroute bas carbone repose en effet sur l’idée que l’autoroute est une infrastructure flexible et évolutive, capable d’accueillir des modes de transport variés. Elle constitue donc un terrain propice au développement de nouvelles solutions de mobilité collective, partagée et décarbonée. L’infrastructure autoroutière peut même être mise au service de la réduction de la consommation d’énergie (éclairage, chauffage) et de la production d’énergies renouvelables (route à énergie positive, installation de fermes solaires), mais également de la préservation des milieux naturels, de la biodiversité et des continuités écologiques. Autant de projets et d’ambitions qui figurent dans la convention signée avec la Région Sud.

Afin de concrétiser ses convictions, Vinci Autoroutes a développé sa stratégie d’autoroute bas carbone. Aujourd’hui, l’entreprise équipe les aires de services de son réseau de bornes de recharge électrique de haute puissance, permettant des temps de charge réduits. Objectif : équiper 100 % des aires de services du réseau d’ici 2030. Le concessionnaire favorise également le développement du covoiturage en créant des parkings dédiés, aux entrées et sorties de son réseau. La création de voies réservées aux bus express et au covoiturage doit aussi contribuer à favoriser le report vers ces modes moins émetteurs de CO2, tout comme la création de gares multimodales, intégrant des quais pour les lignes de cars express circulant sur autoroute, un bâtiment d’accueil pour les voyageurs, un parking pour le covoiturage, un accès cyclable et des points de recharge pour véhicules électriques.

Les déplacements sur autoroute représentent 20 % des émissions de CO2 du secteur des transports, soit 6 % du total des émissions du pays. L’autoroute bas carbone doit donc contribuer au respect des engagements, pris par la France lors de la COP21, de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici à 2030 et d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

Des autoroutes électriques pour les poids lourds ?

Dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, le transport routier de marchandises, qui contribue pour un quart aux émissions de CO2 des transports, fait l’objet d’une attention particulière. L’une des pistes suivies, dans plusieurs pays, repose sur le concept d’autoroutes électriques. Il s’agit d’installer des caténaires au-dessus des voies d’autoroute pour permettre à des poids lourds équipés d’un pantographe de capter leur énergie de propulsion. Une technologie déjà utilisée sur les lignes ferroviaires à grande vitesse (TGV) et sur les lignes de tramway. L’électrification totale des camions est en effet plus problématique que celle des véhicules particuliers, à cause du poids et du coût importants des batteries. Afin de pouvoir rouler sur tous types de routes, les camions seraient hybrides (diesel-électrique).

L’Allemagne est en pointe dans ce domaine. Le ministère fédéral de l’Environnement a initié depuis quelques années un projet de recherche dans ce sens. Siemens s’est associé aux constructeurs de poids lourds Mercedes, Scania et Volvo, pour expérimenter ce projet en Allemagne, en Suède et en Californie. En mai 2019, un tronçon double-sens de 5 kilomètres équipé de caténaires à destination des camions a été ouvert sur l’autoroute A5, dans le Land du Hesse. Objectif : tester durant trois ans une voie dédiée aux camions électriques, baptisée l’e-Highway. Connecté à l’électricité, le camion roule à l’aide de son moteur électrique et charge en même temps sa batterie. Il peut circuler sur la ligne à 80 km/h.

Aujourd’hui, des projets d’autoroutes électriques sont déjà en place sur des tronçons courts en mode dédié en Suède ou aux États-Unis, pour l’industrie minière ou pour la desserte de zones portuaires. Et en France ? En janvier 2017, le ministère de l’Environnement a réalisé une « évaluation socioéconomique du concept d’autoroute électrique » par caténaire, qui conclut qu’un tel projet pourrait être économiquement viable. Une étude de la société de conseil Carbone 4, réalisée en mars 2017, pour le compte de plusieurs grandes entreprises – Engie, EDF, Geodis, Vinci Autoroutes, ATMB et un leader européen de la construction de camions – considère également qu’il s’agit là d’« une voie innovante pour réduire les émissions de CO2 du transport de marchandises tout en optimisant l’utilisation des infrastructures existantes ».

Compte tenu de la faible empreinte carbone de l’électricité française, pour chaque km parcouru en mode électrique, le poids lourd permet en effet, selon cette étude, de diviser au moins par dix les émissions par rapport à l’utilisation du gazole. « Si le cours du baril de pétrole remonte au-dessus de 80 $ dans les années qui viennent, comme cela est probable, les projets d’autoroute électriques seront alors rentables d’eux-mêmes », précise même l’étude.

Chaussée bas carbone et route 100 % recyclée

L’autoroute bas carbone passe également par la réduction des émissions de CO2 dans la construction, l’entretien et l’exploitation de l’infrastructure. Et les concessionnaires d’autoroutes font aussi des efforts dans ce sens. APRR (groupe Eiffage) expérimente par exemple des chaussées bas carbone. Le concessionnaire teste notamment sur deux kilomètres de l’A40 un enrobé innovant utilisant un liant végétal. Le recyclage de 40 % d’agrégats d’enrobés routiers de la chaussée déjà en place permet également de préserver une quantité importante des ressources naturelles. Enfin, l’abaissement de la température d’enrobage de 30° C par rapport à la normale permet aussi de rejeter moins de CO2. Au final, cette innovation permet non seulement de réduire significativement les impacts environnementaux des chantiers d’enrobés mais surtout d’obtenir un bilan carbone neutre.

Vinci Autoroutes favorise également le développement de techniques innovantes pour optimiser le bilan carbone des travaux routiers. En partenariat avec Eurovia, le pôle travaux routiers de Vinci, deux expérimentations ont été menées récemment sur le réseau. La première porte sur la « route 100 % recyclée », un nouveau processus de production permettant de réutiliser les agrégats issus du rabotage des chaussées lors des chantiers de rénovation. La deuxième concerne le procédé de route productrice d’énergie « Power Road », qui capte, stocke et restitue la chaleur du soleil grâce à des tubes caloporteurs intégrés dans la chaussée.

Les pistes prometteuses sont multiples, et les concessionnaires d’autoroute mettent leurs capacités d’innovation au service de la mobilité durable.