Les chiffres sont pourtant explicites. La population des tourterelles des bois en Europe de l’Ouest est passé de 15 millions à 3 millions d’individus en 35 ans (1980-2015). Un déclin de -78% qui a conduit l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) à l’inscrire sur la liste rouge des espèces menacées en 2017, lui conférant le statut “vulnérable”.
Tout cela, le gouvernement le sait, puisque c’est l’introduction du projet d’’arrêté relatif à la chasse de la tourterelle des bois, qui propose un quota de 30 000 “prélèvements” – abattage donc – de ces oiseaux pour la saison 2019-2020.
Ce quota va à la fois à l’encontre des recommandations de l’UICN et de celles du Comité d’experts sur la “gestion adaptative”, c’est à dire la création de quotas de prélèvements pour limiter la disparition des populations d’animaux sauvages. Le 13 mai, les experts en question ont préconisé deux scénarios : au mieux un quota temporairement ramené à 0, au pire un prélèvement maximal de 18 300 tourterelles des bois. Le gouvernement ignore donc les résultats de ce Comité, pourtant mis en place par le Ministère de la transition écologique lui-même, en janvier 2019.
30 000 tourterelles des bois et 6 000 courlis cendré
Si la population de tourterelle des bois a décliné si rapidement ses dernières années, c’est qu’encore l’année dernière, les chasseurs ont prélevé 90 000 oiseaux de cette espèce. La différence entre le nombre d’oiseaux chassés les années précédentes et le quota annoncé pour la saison à venir (60 000 de moins) sont régulièrement mis en avant par les chasseurs comme des preuves de bonne foi. Comme le montre les propos de Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs. Interrogé récemment par nos confrères de La Croix, il affirmait « au lieu de hurler, les écolos devraient dire bravo, mais dans leur esprit, gestion adaptative ça veut dire fermeture de la chasse ». Il ajoutait d’ailleurs que « tout le monde tire sur ces oiseaux » dans le reste de l’Europe.
« Concernant la tourterelle des bois, les chasseurs se plaisent à dire qu’elle est moins chassée en France que chez nos voisins. Mais pour le courlis cendré, ils ne rappellent pas souvent que la France est le seul pays d’Europe à en autoriser encore la chasse », ironise Maxime Zucca, ornithologue et écologue de l’agence régionale de la biodiversité en île-de-France.
En effet, la situation est la même pour le courlis cendré. Alors que la population européenne de ces oiseaux est estimée à 500 000 individus, l’espèce est aussi sur la liste rouge de l’UICN. Un plan d’action international a d’ailleurs été mis en place pour tenter de faire passer son statut d’espèce « quasi-menacée » attribué en 2007 à celui de « préoccupation mineure » d’ici 2025. Ce plan permet de proclamer des moratoires annuels interdisant la chasse sur le territoire national.
S’ils étaient reconduits jusqu’à présent, le dernier prendra fin le 30 juillet 2019. Le gouvernement a en effet décidé via ce projet d’arrêté relatif à la chasse du courlis cendré, de proposer un prélèvement de 6 000 courlis cendré sur tout le territoire terrestre pour la saison qui arrive. Car les moratoires ne couvraient pas le domaine public maritime, où se trouve la quasi-totalité des effectifs de l’espèce. Résultat, malgré la protection annoncée, 7 000 oiseaux étaient chassés chaque année.
Le gouvernement s’appuie cette fois sur les résultats du comité d’experts sur la gestion adaptative, qui dit n’avoir pas pu établir le réel impact de la chasse « sur la dynamique de population de l’espèce ». Des propos corroborés par l’office national de la chasse et de la flore sauvage (ONCFS), qui recommande pourtant la suspension de la chasse du courlis cendré dans l’attente de données plus précises.
Via : LCI