Général Delawarde : «Les États-Unis agissent désormais, sans l’ombre d’un doute, en proxy d’Israël»

Quelle a été votre réaction à l’annonce de l’attaque palestinienne contre des Kibboutz israéliens ?

Dominique Delawarde : Surpris dans un premier temps, je me suis immédiatement demandé à qui pouvait bien profiter, à moyen et long termes, cette attaque sans véritable espoir de succès.

Aux Occidentaux pour faire diversion face à leur échec en Ukraine ? À Netanyahou pour faire oublier ses difficultés judiciaires et rassembler le pays derrière lui ? À l’extrême droite israélienne pour justifier une opération de nettoyage ethnique du territoire israélien ? À l’Iran et aux Palestiniens pour réduire à néant les accords d’Abraham et rassembler l’Islam derrière la cause palestinienne ?

Seul le temps nous permettra de faire le tri et de savoir précisément QUI a permis le déclenchement d’une telle attaque et POURQUOI.

Pensez-vous comme notre auteur Germán Gorraiz López que le Hamas soit tombé dans le piège du Mossad ?

Dominique Delawarde : C’est une hypothèse que je juge plausible et même probable. Avec le Mossad et la collaboration des dizaines de milliers de sayanim répartis dans le monde entier, les Israéliens sont incontestablement les champions du monde dans l’organisation de coups tordus ou d’attaques sous faux drapeau et dans la manipulation et/ou l’instrumentalisation de proxies, conscients ou inconscients d’être manipulés.

La vie de quelques milliers d’individus de leur camp et du camp adverse n’a que peu d’importance au regard du projet de long terme : «Eretz Israël», État confessionnel auto-proclamé, ethniquement pur, le plus vaste possible. Ils n’en sont pas à leur coup d’essai dans leur histoire récente, agissant toujours dans la plus grande discrétion, bien sûr.

Comment jugez-vous la déclaration de Macron : «il n’est pas du tout prévu d’envoyer dans la bande de Gaza quelques militaires français» avec l’envoi du navire militaire Tonnerre de la France vers Gaza ? 

Dominique Delawarde : Le président français ne s’est jamais distingué, à ce jour, par son savoir-faire et sa clairvoyance diplomatique et par la pertinence de ses déclarations dans l’arène internationale. Cela dit, l’envoi du navire Tonnerre à titre humanitaire me paraît relever de la stratégie bien connue du «en même temps».

D’un côté la gouvernance française, dans des déclarations ambiguës, soutient quand même inconditionnellement le droit d’Israël à la légitime défense qui consiste à tuer et à blesser sans aucune mesure les civils de la population palestinienne, femmes, enfants et vieillards compris, tous classés terroristes du seul fait de leur naissance du mauvais côté de l’enceinte de clôture de la prison à ciel ouvert de Gaza. De l’autre, la France enverra un bateau pour soigner les éventuels blessés qui auraient survécu aux frappes et aux assauts des forces de Tsahal. C’est grand, c’est superbe !

Peut-on vraiment affirmer que ce navire Tonnerre a une action qui se limite à l’humanitaire ?

Dominique Delawarde : Oui, je le crois. D’autant que la France n’a plus les moyens militaires et humains de s’exposer partout et de s’engager, si peu que ce soit, dans une deuxième guerre régionale (après l’Ukraine) qui la dépasse, comme la première, et qui peut dégénérer et sortir des limites de la région.

Comment réagir à l’annonce de Antony Blinken se revendiquant juif lors de sa visite en Israël : et à celle de Benjamin Netanyahou annonçant en conclusion de son discours que Tsahal réaliserait la promesse du prophète Esaïe : celle de la libération du peuple juif par l’arrivée d’un nouveau Messie ?

Dominique Delawarde : La déclaration Blinken est particulièrement maladroite en ce qu’elle montre clairement que les États-Unis agissent désormais, sans l’ombre d’un doute, en proxy d’Israël.

En effet, après la déclaration de Biden à son arrivée à Tel-Aviv du 13 juillet 2023 disant, en parlant de lui et à la face du monde : «Vous n’avez pas besoin d’être juif pour être un sioniste», la déclaration de Blinken vient enfoncer le clou et rappeler au monde entier que la politique étrangère des États-Unis se fait aujourd’hui à Tel-Aviv. C’est exactement ce que disaient John Mearsheimer et Walt dans leur Best seller : Le Lobby pro-Israël et la politique étrangère américaine.

Tous les postes clefs de l’administration Biden sont tenus aujourd’hui par des individus qui ont été nominés (ou auraient pu l’être), au «palmarès mondial et confessionnel de l’influence» du Jerusalem Post : Aux Affaires étrangères Blinken, Wendy Sherman, Victoria Nulland, au ministère des finances Janet Yellen pour concocter les sanctions économiques contre ceux qui refusent de se soumettre, à la Justice + FBI, Merrick Garland, pour neutraliser tous les ennemis du sioniste auto-proclamé Biden (dont Trump), au ministère de l’Intérieur, Alejandro Mayorkas… etc. etc..

Lorsque vous avez une telle brochette de personnages pour diriger un pays, vous savez que cette gouvernance US est plus qu’influencée par Tel-Aviv. Et, lorsque le même constat s’étend clairement à d’autres pays (UK, France, Canada, Australie par exemple), vous savez quelle est la capitale actuelle du monde occidental.

Quant à la déclaration de Benjamin Netanyahou, elle s’adresse évidemment à ses supporters intégristes d’extrême droite qui ne constituent pas la majorité du peuple juif aujourd’hui, bien heureusement. Je ne suis pas certain que la population d’Israël toute entière, en majorité laïque et intelligente, souscrive à un tel discours.

Existe-t-il, selon vous, une ou plusieurs solutions permettant de résoudre durablement le problème israélo-palestinien ?

Dominique Delawarde : Il ne peut exister que 4 solutions pour régler durablement le problème israélo-palestinien, solutions qui excluent évidemment l’enfermement à vie dans des prisons à ciel ouvert d’une partie de la population au profit d’une autre.

Deux solutions qui me paraissent les plus extrêmes visent à l’éradication totale soit de la population palestinienne (arabes israéliens compris) solution 1, soit de la population juive israélienne (solution 2).

Ces deux solutions, parce qu’elles sont extrêmes et qu’elles se traduiraient par des pertes en vie humaines inacceptables dans les deux camps, parce qu’elles ne sont soutenues par aucun État au monde, autre qu’Israël et peut être les États-Unis (partisans de la solution 1) et l’Iran, (partisan de la solution 2)

La 3ème solution, catégoriquement rejetée par Israël, est la solution d’un État unique, laïc et démocratique, partagé entre deux peuples. Il est vrai qu’il serait difficile à gouverner et qu’Israël s’est déjà auto-proclamé «État juif». On est loin de la laïcité.

La 4ème et dernière solution est celle de deux États dans les frontières de 1967, sûres, garanties et reconnues de tous. C’est la solution préconisée par l’ONU. Elle est soutenue par 139 pays qui ont reconnu l’État palestinien à l’ONU dans ses frontières de 1967.

C’est aussi la solution avancée par la diplomatie française depuis toujours. C’est la solution votée par le Parlement français le 2 décembre 2014 lors d’un vote massif, hélas non contraignant : 339 voix contre 151 et 87 abstentions.

L’exécutif Hollande d’alors, déjà sous pression des lobbies pro-Israël, et sionisé jusqu’à la moelle avait refusé de donner suite au vote du parlement, arguant que ce n’était pas le bon moment.

Le même scénario s’était déroulé quelques jours plus tôt au Royaume Uni, avec refus d’un exécutif sionisé de suivre le vote du parlement, favorable à la reconnaissance de la Palestine.

Si les gouvernances françaises et britanniques n’ont pas été fichues, depuis 1967 de trouver un bon moment pour reconnaître l’État palestinien, c’est qu’elles ne le feront jamais parce qu’en Occident, sous l’influence persuasive des milliardaires de la diaspora, organisés en lobbies, les gouvernances ont perdu toute souveraineté et acceptent la soumission aux lobbies pro-Israël et aux États-Unis, leur chef de meute.

Le général de Gaulle, chef d’une France indépendante et souveraine a reconnu la Chine en janvier 1964, 15 ans avant que les États-Unis n’établissent des relations diplomatiques avec Pékin en janvier 1979 et, bien sûr sans demander le feu vert de Washington, et encore moins de Tel-Aviv. Il est vrai qu’en dépit de son âge, il restait «couillu».

Mais reste-t-il un chef d’État «couillu» dans l’Occident global, capable de s’écarter, si peu que ce soit, de la ligne imposée par l’hégémon israélien et son proxy US ? Rien n’est moins sûr. Viktor Orban, peut être ?

On notera avec intérêt que tous les États partisans de la multipolarité (BRICS 11, OCS 9, + leurs fans) ont reconnu l’État palestinien à l’ONU et que seuls ceux qui s’accrochent encore à l’hégémon Israélo-US du monde unipolaire actuel, qui deviendra demain le monde ancien déchu, refusent toujours de le faire.

Le clivage entre les États pour la reconnaissance de la Palestine est exactement le même que pour le bras de fer OTAN-Russie en Ukraine. Il est vrai que, par coïncidence, bien sûr, les postes clefs de la gouvernance ukrainienne sont aujourd’hui détenus par des membres de la diaspora, et que Zelensky, leur chef de file, a été classé premier au palmarès mondial et confessionnel 2022 de l’influence, publié par le Jerusalem Post.

Général Dominique Delawarde

source : Observateur Continental

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