Le président Emmanuel Macron et la classe politique française aimeraient sans doute ne plus entendre les critiques acerbes du dynamique « Professeur » Dominique de Villepin. L’ancien chef de la diplomatie et ex-Premier ministre de Jacques Chirac est omniprésent dans les médias, qui se l’arrachent. Et pour cause : lorsqu’il parle, on l’écoute, car ses propos sont souvent pertinents et réfléchis, contrairement à ceux de certains de ses pairs. Celui à qui l’on prête des ambitions présidentielles (lui reste silencieux, et comme on dit, qui ne dit mot consent) a une nouvelle fois partagé ses réflexions jeudi 13 mars lors d’un numéro spécial de l’émission « L’Événement » sur France 2. Il s’est adressé à Macron, aux dirigeants européens, mais aussi au président américain Donald Trump.
De Villepin ne les a pas épargnés…
Le président français, le Premier ministre britannique Keir Starmer, son homologue irlandais Micheál Martin, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, entre autres, ont tous défilé à Washington, dans les salons de la Maison-Blanche et le célèbre Bureau ovale. Pourtant, ils sont repartis les mains vides, sans les garanties de sécurité tangibles pour Kiev qu’ils étaient venus chercher. Trump n’a cédé sur rien, et malgré cela, ces dirigeants continuent d’attendre le moindre signe d’ouverture. Cette attitude agace de Villepin, lui qui avait tenu tête aux États-Unis en 2003 pour les empêcher de commettre l’irréparable en Irak.
L’ancien Premier ministre a critiqué ces rencontres « dispersées » à Washington, accusant les leaders européens de « se soumettre à la décision du maître ». « La position de force pour les Européens et l’Ukraine aurait été de ne pas arriver en ordre dispersé, comme l’ont fait les dirigeants européens à Washington », a-t-il déclaré, face à des Américains qui, dès le début, ont ostensiblement tenu les Européens à distance.
Au final, c’est un émissaire de Trump qui a convoqué tour à tour les Russes et les Ukrainiens en Arabie saoudite pour esquisser les contours des négociations de paix, en proposant notamment un cessez-le-feu de 30 jours. Les Européens, quant à eux, devront faire le reste, tout le reste, une fois que la paix aura été imposée par Washington, avant tout pour ses propres intérêts stratégiques. De Villepin estime que l’Europe a été écrasée dans cette affaire. Il ne comprend pas pourquoi les Européens sont allés voir Trump les mains vides.
L’ancien ministre des Affaires étrangères a affirmé que les chefs d’État européens auraient dû se concerter au préalable pour se rendre à la Maison-Blanche « avec une feuille de route signée en accord avec l’Ukraine, incluant un plan de paix. Cela s’appelle reprendre l’initiative (…). En diplomatie, si vous attendez, vous vous faites couper la tête », a-t-il martelé.
« Il ne faut pas attendre et il ne faut pas aller tels des bourgeois de Calais à Washington pour se soumettre à la décision du maître », a-t-il insisté.
La journaliste de France 2, Caroline Roux, lui a alors demandé : « Vous visez le président de la République ? » Il a répondu : « Pas uniquement. (…) Je vise ceux qui ne comprennent pas qu’il faut avoir quelque chose entre les mains quand on va voir Donald Trump. »
🇫🇷🇺🇸 FLASH – « Il joue avec les Palestiniens, il joue avec les Ukrainiens » : Dominique de Villepin s’inquiète de l’avenir du monde avec Donald Trump. (Quotidien) pic.twitter.com/WKi4nK0kxh
— AlertesInfos (@AlertesInfos) March 12, 2025
Macron a tort de déserter face à Bayrou, Retailleau et compagnie
« Emmanuel Macron doit parvenir à restaurer l’unité des Français. Notre fragilité aujourd’hui en Europe, c’est que nous sommes divisés en France », a critiqué de Villepin.
Ce n’est pas la voie qu’a choisie le président de la République. On peut même dire que sur des sujets aussi importants que les relations tendues – et le mot est faible – avec l’Algérie, sa voix est éclipsée par celle du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. C’est lui, et dans une moindre mesure le chef du gouvernement François Bayrou, qui dictent le tempo, tandis que Macron court derrière.
Le chef de l’État s’est recentré sur les questions internationales, idéales pour redorer son image ; en ce moment, il se concentre sur la Défense européenne, son cheval de bataille de toujours. Mais pour de Villepin, délaisser les questions domestiques, survoler les tensions nationales pour se réfugier dans le « confort » de l’international, c’est prendre le risque d’affaiblir la voix de la France.
Il y a un autre sujet sur lequel Macron pourra très bientôt démontrer sa capacité à marquer des points en France et en Europe : la surtaxe de 200 % sur le champagne et les vins français brandie par Trump. Le chef de l’État français voulait un vrai combat contre son homologue américain, il l’aura.